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Thèmes
  • Adultes mixtes
  • Service de proximité
  • Lutte contre les discriminations
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Quels furent les éléments de diagnostic à l'origine de l'expérience ?
Notre centre social est dédié principalement aux gens du voyage. Il s'agit de personnes et de familles qui sont soumises à une législation spécifique discriminante (loi de 1969 les assignant à rattachement administratif et détention de titres de circulation), dont l'habitat mobile (caravane) n'a pas valeur de logement ni les droits associés, qui ne sont donc jamais reconnues comme habitants d'une commune, légitime aux politiques publiques d'un territoire, et qui connaissent en plus pour nombreux d'entre eux des situations de précarité (pauvreté et grande dépendance au minima sociaux, conditions d'habitat minimales voire indignes, illettrisme et non scolarisation, indicateurs de santé très préoccupants...). Du fait de leur statut, l'accès aux droits communs est difficile. Du fait de leur isolement et illettrisme l'accès autonome aux démarches administratives est contrarié. L'accueil téléphonique et physique au centre social ainsi que l'offre de service lecteur et écrivain public pouvait fonctionner comme palliatif mais n'améliorait pas l'autonomie des personnes qui restaient dépendantes de notre aide, et ne rapprochait pas les administrations de leurs usagers gens du voyage, donc n'influait pas dans la durée sur la situation de méconnaissance et réticences réciproques.
Mots clés associés à l'actions
  • Démocratie & citoyenneté
  • discriminations
Description générale
Organisation de l'accueil au centre social autour d'un service de domiciliation, appui à l'accès aux droits et accompagnement à l'autonomie dans les démarches administratives. parallèlement, partenariat avec les services publics pour les informer et former quant aux spécificités statutaires des gens du voyage, opérer des rapprochements et des passerelles.
Description de l'expérience, ses objectifs, ses acteurs et ses différentes phases.
Les gens du voyage vivent en caravane. La caravane n'est pas une adresse. Pour justifier d'une adresse il sont obligés, comme les SDF, de recourir à des lieux de domiciliation agréés. 650 familles sont domiciliées au centre social Relais Accueil des Gens du Voyage. Elles y reçoivent donc tout leur courrier. Elles viennent le chercher et, quand elles voyagent, nous le leur réexpédions en postes restantes. Nous avons mis en place autour de la fonction accueil une déclinaison graduée de réponses aux situations : lecteur public à la remise de leurs courrier ( au comptoir ou en confidentiel à la demande) ; permanence en libre accès tous les jours pour l'aide au traitement de ces courriers, avec une forte dimension pédagogique pour progresser en autonomie dans les démarches administratives ( faire avec les personnes, vérifier leur niveau de lecture et d'écriture, les encourager et aider à parler elles -mêmes aux agents des services lors des appels téléphoniques, les laisser signer, fermer, timbrer et poster leurs plis (ça parait simple mais ça ne l'était pas, et c'est essentiel à l'implication et la responsabilité). Nous proposons des ateliers collectifs : aide au tri de papier, reconnaissance des logos des administrations, campagnes d'informations pour les déclarations de revenus, les élections... Nous mettons en place un espace d'accès aux écrans avec accompagnement personnalisé (pour les télédéclarations, l'accès aux comptes CAF, CPAM etc.. via une tablette, un ordinateur..) Nous avons transformé la salle d'attente en lieu d'accueil avec animation (informations collectives, impulser le dialogue entre les personnes sur les différentes thématiques de l'accès aux droits) Pour les accueils personnalisés en bureau fermé, nous avons cassé les codes en remplaçant le "bureau de l'assistante sociale" par une table ronde ou il n'y a plus de place dédiée. Nous pouvons déplacer écran et clavier pour que l'usager ne soit pas de l'autre côté pendant que nous tapons des choses dont il ignore ce que c'est. Nous proposons systématiquement la prise en main de la souris sans fil et une participation minimum en tapant soi même ses codes d'accès etc... ça n'a l'air de rien mais c'est un gros facteur d'évolution. Nous avons parallèlement développé les relations formelles et institutionnalisées avec les les administrations car une passerelle ne fonctionnent qu'avec deux côtés et orienter les voyageurs vers les services publics supposent de vérifer qu'ils seront accueillis de l'autre côté par des services disponibles, mobilisés et informés de leurs spécificités. Nous avons signé un protocole de partenariat avec le Département qui nous légitime en tant qu'appui relais aux services médico sociaux de proximité qui nous sollicitent comme ressource si besoin. Notre protocole a prévu une gouvernance, une animation et des indicateurs d'évaluation de la banalisation progressive de l'accueil des gens du voyage dans le droit commun. Ce protocole s'essouffle parfois, au gré de départs de chefs de services porteurs ou autre alternance, mais il existe administrativement et peut donc être relancé régulièrement.
Quels sont les impacts ou effets positifs produits par cette expérience au niveau du public, du centre social ou de l'environnement ?
Au niveau du public : nous repérer comme un lieu dédié, aidant, mais impliquant la personne et faisant appel à ses capacités autonomes pour les développer. Valoriser ces progressions Au niveau du centre social : Transversaliser les approches. Travailler collectivement la posture professionnelle : ne pas prendre l'ascendant sur les personnes du fait "que nous savons et elles ne savent pas", "nous pouvons faire à leur place et elles ne peuvent pas se passer de nous " . L'équipe doit revisiter ses modes d'accueil et d'accompagnement. Au niveau de l'environnement : Nous avons pu diffuser une connaissance factuelle de la situation des gens du voyage à de nombreuses administrations et travailleurs sociaux du territoire. Leur regard et leurs pratiques ont pû s'en nourrir et évoluer. Les institutions avec lesquelles nous avons formalisé notre rôle de passerelle ont intégré ces questions. Nous avons reçu le label de Maison de Service Au Public qui va nous permettre de développer encore ces partenariats via des conventions et des formations.
Quels furent les facteurs de réussite de cette expérience ?
Nous avons misé sur un règlement intérieur assez cadrant pour sortir de pratiques assistancielles qui pouvaient gratifier narcissiquement les intervenants mais les instrumentaient également. ( exemple: autant que possible, pas de travail par téléphone alors que beaucoup de nos usagers circulent encore une partie de l'année. Ne pas faire à la place de la personne mais avec elle, en face à face, pour lui "apprendre à faire seule". Ne pas la décharger de sa responsabilité même si elle ne sait n i lire ni écrire et méconnait toutes les arcanes administratives. D'autre part, nous avons investi la dimension relais vers les partenaires pour ne pas prendre en charge nous mêmes les gens du voyage par défaut des autres acteurs. La dimension pédagogie de l'autonomie s'adresse donc à la fois aux usagers et à tous leurs interlocuteurs dans les services publics. Enfin, nous évaluons nos pratiques et l'évolution de l'implication des usagers en continuant à modifier l'organisation de l'accueil.
Quelles sont les limites de cette expérience ?
Il y a toujours un illettrisme massif chez les gens du voyage, qui se reproduit à la jeune génération faute d'accès adapté, aussi notre fonction passerelle qui devrait être transitoire doit être pérenne. Arrivent aussi dans les administrations de nouvelles générations d'agents avec qui le travail est à refaire quand l'institution n'a pas intégré durablement et transmis des approches objectives et adaptées. La précarité s'accentue pour de nombreuses familles à l'instar du reste de la population et les relations avec les administrations deviennent des démarches de survie pour garder ou renouveler des droits.